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Vélos-cargos et véhicules utilitaires légers : une complémentarité au service d’une logistique urbaine durable

12 octobre 2023

L’ensemble des flux logistiques des entreprises vers les consommateurs représentent désormais 20% des transports de marchandises en ville, avec une croissance annuelle de 8 à 10%. Face aux nuisances générées par le développement de la logistique en ville, repenser les modes de livraison en zone urbaine est devenu un enjeu-clé. Comment la cyclo-logistique peut-elle s’affirmer comme un maillon essentiel de cette chaîne ? Décryptage avec Romain Barbé, consultant logistique urbaine pour le programme ColisActiv’.

Pourquoi le contexte actuel est-il favorable au développement de la cyclo-logistique ? 

Plusieurs facteurs favorisent le développement de la cyclo-logistique. L’explosion du e-commerce BtoC et CtoC provoque un éclatement des flux, qui crée un besoin de plus de transport et une densification des tournées. Historiquement, les livraisons étaient réalisées en véhicules utilitaires légers jusqu’au point de livraison final. Aujourd’hui, la piétonnisation des centres-villes, la réglementation dans certaines métropoles, avec la mise en place des ZFE, ainsi que les préoccupations environnementales et concernant la qualité de l’air ont pour conséquence une restructuration de la logistique urbaine.

Les vélos-cargos ont l’avantage de n’émettre aucun gaz à effet de serre ni autre polluant à l’utilisation par rapport aux véhicules utilitaires légers. Par ailleurs, la cyclo-logistique est une solution pour répondre à la volonté des pouvoirs publics d’apaiser les centres-villes car les vélos-cargos ne génèrent pas de nuisance sonore ou d’embouteillages et participent donc à renforcer l’attractivité des cœurs de ville et des commerces. Alors que les limitations de circulation se développent dans les villes et que les plans de circulation sont défavorables aux modes motorisés, les vélos-cargos ont l’avantage de pouvoir se déplacer sans contrainte en zone urbaine. Par ailleurs, pour les livraisons du dernier kilomètre, la cyclo-logistique s’affirme d’ores et déjà, dans certaines zones urbaines denses, comme l’option la plus avantageuse financièrement.

Comment la cyclo-logistique peut-elle s’affirmer comme un mode de transport complémentaire des véhicules utilitaires légers ?

Sur les trajets courts, comme la livraison de repas, le transport urgent de documents, de courses depuis le supermarché ou de commerçants du centre-ville, la cyclo-logistique s’est déjà largement imposée comme l’option la plus compétitive, rapide et efficace en centre-ville. On assiste également actuellement à son développement pour les déchets ainsi que pour la livraison express sur chantier d’outils ou de matériaux en petite quantité.

Cependant, la cyclo-logistique n’est pas pertinente sur tous les flux. Il faut garder en tête que le plus vertueux en logistique urbaine est la massification. Les points qui se font livrer des volumes importants vont l’être par des poids-lourds. Pour les flux éclatés (quantités moindres par point, de l’ordre de la palette au colis), il est possible d’avoir recours à des véhicules utilitaires légers électriques ou des vélo-cargos.

Dans les faits, les véhicules utilitaires légers électriques restent aujourd’hui plus intéressants dans les zones mi-denses, dans des centres-villes et périphéries de villes peu densément peuplées lorsque :

  • il est aisé de circuler (zones avec une grande perméabilité aux véhicules motorisés),
  • la livraison consiste en 2 ou 3 palettes à acheminer à un seul point,
  • une ville est trop petite pour justifier l’implémentation d’un cyclo-logisticien,
  • une tournée n’est pas assez dense pour justifier une rupture de charge (par exemple, trois points à livrer en centre-ville).

Ainsi, il ne faut pas systématiquement opposer les vélos-cargos et les véhicules utilitaires légers électriques mais les voir comme deux moyens complémentaires de décarboner et dépolluer la logistique urbaine. La cyclo-logistique a de bien meilleures performances environnementales mais n’est pas adaptée à toutes les situations.

Quels sont les avantages environnementaux et sociaux de la cyclo-logistique ?

Concernant la préservation de l’environnement et l’apaisement de la ville, les avantages sont les mêmes que pour le vélo de manière générale : moins de pollution générée, réduction des nuisances sonores, moins d’occupation de l’espace public, moins de véhicules motorisés et donc de congestion des centres-villes. Il y a aussi des enjeux liés à la sécurité : les livreurs à vélo roulent moins vite et n’ont pas d’angle mort. Un véhicule utilitaire léger en stationnement bouche également la vue, ce qui peut être particulièrement dangereux, notamment pour les cyclistes et les piétons fragiles, comme les personnes handicapées ou les enfants. 

Du point de vue du livreur, il y a également des avantages sociaux importants : celui-ci est actif et non passif, il fait du sport. On constate également une réduction très importante du stress. En effet, un livreur en véhicule utilitaire thermique ou électrique subit les embouteillages, est très souvent garé en double file et craint d’être verbalisé.

Comment la cyclo-logistique contribue-t-elle à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique ?

Sur un trajet, un vélo n’émet presque pas de gaz à effet de serre ou de pollution locale dangereuse pour la santé. Par ailleurs, un vélo-cargo électrique est de l’ordre de 100 fois moins lourd qu’un véhicule utilitaire électrique et émet ainsi 100 fois moins de pollution délocalisée, c’est-à-dire de CO2 liés à sa fabrication et son transport avant sa mise en service, ainsi que pendant son utilisation.

Comment la cyclo-logistique permet-elle des gains de productivité lors de tournées ? 

En zone urbaine, un livreur à vélo est plus performant qu’un livreur motorisé pour les livraisons de colis en tournée. Des études menées à Paris1 et Londres2 ont montré que la cyclo-logistique permet de livrer 30 à 50% plus de points par heure, par rapport à un véhicule utilitaire léger. Avec un vélo-cargo, pas d’embouteillage, pas de temps perdu à se garer ou à chercher un stationnement. Par ailleurs, certaines zones sont fermées aux véhicules utilitaires sur certaines plages horaires, ou parce qu’elles sont piétonnes ou ont des restrictions d’accès particulières. À ce jour, en revanche, presque aucune zone n’est fermée aux vélos cargos, qui peuvent accéder à toutes les rues des centres-villes et à toute heure.

Cette fluidité de circulation permet également aux cyclologisticiens de proposer des créneaux de livraison plus précis et plus réduits, en proposant une plage horaire de 30 minutes au lieu de deux heures par exemple. Ce mode de transport crée moins de stress pour le livreur, car il est moins dépendant des conditions de circulation et des places de stationnement disponibles. On constate ainsi moins d’échecs de livraison. Re-présenter un colis a un coût important pour un logisticien. Bien souvent, les logisticiens ne perçoivent pas de rémunération supplémentaire s’ils doivent présenter un colis plusieurs fois. Réduire le taux d’échec de livraison permet d’augmenter la profitabilité de l’entreprise.

Quels sont les avantages économiques de la cyclo-logistique ?

Il existe plusieurs bénéfices en plus des avantages économiques directement issus d’un gain de productivité. À l’achat tout d’abord, un vélo-cargo coûte environ trois à cinq fois moins cher qu’un véhicule utilitaire électrique. Face au développement de ce mode de livraison, les fabricants travaillent à diminuer les coûts et il sera de moins en moins onéreux à l’avenir d’acquérir un vélo-cargo. La maintenance reste cependant un coût à ne pas négliger pour assurer la longévité d’un vélo-cargo dans le temps. À l’utilisation, bien entendu, il n’y a pas de coût lié à l’essence. Et, pour le coût lié à l’électricité, un véhicule utilitaire électrique consomme entre 50 et 100 fois plus d’électricité au kilomètre, un avantage non négligeable face à l’instabilité potentielle des prix du carburant. 

Existe-t-il d’autres éléments déclencheurs qui incitent un donneur d’ordre à favoriser la cyclo-logistique pour ses livraisons du dernier kilomètre ? 

Faire appel à la cyclo-logistique, c’est aussi bénéficier d’un capital sympathie auprès des clients finaux et une énorme valeur ajoutée en termes d’image de marque, avec la montée en puissance des enjeux liés à l’écologie. Certains donneurs d’ordre préfèrent payer plus pour faire réaliser leurs livraisons urbaines à vélo car leurs clients finaux sont sensibles aux enjeux environnementaux. De même, certains expérimentent la cyclo-logistique pour prendre un temps d’avance au cas où celle-ci deviendrait incontournable à l’avenir, en cas de changement de la réglementation, d’une contrainte opérationnelle ou de demandes de la part de leurs clients.

Quels sont les freins au développement de la cyclo-logistique et comment les lever ? 

Si un livreur à vélo dessert plus de points de livraison par heure, il dispose d’une capacité d’emport moindre et doit ainsi se réapprovisionner en moyenne toutes les deux à quatre heures. Cela le rend dépendant d’espaces de logistique urbaine (ELU) ou de solutions d’apport de charge au plus près des points de départ des tournées ou, parfois, le long des trajets. Cette contrainte impose une rupture de charge supplémentaire, qui engendre un surcoût. Les logisticiens sont confrontés à la rareté des espaces logistiques en zone urbaine et à un coût du foncier élevé, ce qui constitue un frein économique.

Les donneurs d’ordre et les prestataires ont également des idées reçues sur la cyclo-logistique et sur les coûts associés, qui nuisent à son développement. Certains pensent notamment qu’un vélo-cargo ne va pas pouvoir embarquer beaucoup de colis, alors que certains modèles ont une charge utile allant jusqu’à 350 kg et peuvent charger jusqu’à 2 m3 de marchandises.

De plus, en raison du faible volume confié à la cyclo-logistique aujourd’hui, ces opérateurs s’avèrent souvent plus chers que la concurrence, ce qui a pour conséquence qu’on ne leur confie pas beaucoup de volume.

C’est la raison pour laquelle le programme ColisActiv’ soutient financièrement les transporteurs et opérateurs de logistique urbaine lorsqu’ils intégrent le vélo cargo dans leurs modes de livraison. Via le versement de primes, le programme leur permet de compenser les surcoûts précités et de rendre la cyclo-logistique durablement compétitive face aux véhicules utilitaires légers.

Avec ColisActiv’, pour chaque colis livré à vélo cargo, les opérateurs de logistique urbaine perçoivent une prime dégressive qu’ils déduisent pour partie de leur facture à leurs donneurs d’ordres sur les territoires partenaires.

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