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Comment les politiques publiques transforment la logistique urbaine ?

30 octobre 2023

Face à la multiplication des livraisons en milieu urbain, génératrices de congestion du trafic, de pollution et de bruit, la transformation de la logistique urbaine est essentielle. Les politiques publiques jouent un rôle crucial dans cette évolution, en particulier en favorisant le développement de solutions plus durables, comme la cyclologistique. Illustration avec l’exemple des zones urbaines de Nice et Pau, toutes deux engagées dans le programme ColisActiv’.

Par leur capacité à façonner les infrastructures, à réglementer les activités, à orienter les comportements et à allouer des ressources vers des priorités définies, les politiques publiques sont un moteur déterminant de la transformation et de la modernisation de la logistique urbaine.

« La logistique est partout »

À Pau, l’agglomération se mobilise pour réguler les flux de marchandises. Cette ville de taille moyenne (75 000 habitants) s’est fixée des objectifs de pacification de la circulation en lien avec le transport de marchandises dans son Plan de Déplacements (PDU) 2020-2030. « Lorsqu’on commence à s’intéresser au sujet, on se rend compte que la logistique est partout : dans l’aménagement des espaces publics (aires de livraison), dans les politiques d’urbanisme (cœur piéton, zones d’habitat et de consommation), dans les politiques énergétiques (avitaillement des véhicules pour le verdissement des flottes), dans le développement économiques (type d’enseignes implantées), dans la collecte des déchets (on parle de logistique urbaine inversée avec la gestion des flux sortants) et même dans les politiques d’emploi et d’insertion de par l’important secteur d’activité qu’elle représente. L’agglomération peut donc agir via ses compétences mais aussi en tant qu’animatrice d’un réseau d’acteurs sur son territoire : acteurs économiques, fédérations, offreurs de solutions, communes… », analyse Michel Caperan, adjoint au maire de Pau chargé de l’urbanisme, de l’aménagement et des travaux et conseiller communautaire à la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées

Pour initier des politiques publiques pertinentes pour favoriser la cyclologistique, l’agglomération de Pau a rejoint le programme InterLUD, qui aide au déploiement d’actions volontaires sur le transport de marchandises en ville, dans le cadre de chartes de logistique urbaine durable. « Pour travailler sur la problématique de la circulation et du transport, nous avons engagé un diagnostic. Ce dernier a relevé que sur 150 000 mouvements/jour, 20% ont lieu sur Pau et 80% en périphérie. Mais des conflits d’usages ont lieu sur Pau alors que l’activité de logistique en périphérie est mieux acceptée de par la fonction bien connue et appréhendée des zones d’activités. Cependant, avec le changement des typologies d’enseignes dans les zones d’activités (restaurants, loisirs…), les conflits commencent aussi à apparaître. Les deux espaces doivent donc être analysés », détaille Laetitia Lanardoune, chef de projet Mobilités durables & Prospective à la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées et la Ville de Pau en charge de l’animation locale des programmes ColisActiv’ et InterLUD

Nice : un territoires aux enjeux spécifiques

À Nice, la logistique représente un enjeu crucial, inextricablement lié à la géographie particulière de la ville et alors que l’activité touristique y représente 30% du PIB. En tant que cinquième ville de France (plus de 340 000 habitants), Nice fait face à des défis spécifiques. L’urbanisation y est concentrée sur une étroite bande littorale, nichée entre la mer et les montagnes, ce qui donne à la ville un tissu urbain dense et complexe. Cette configuration géographique, combinée à un afflux touristique important, génère des besoins d’approvisionnement importants sur des temporalités et zones restreintes, notamment en haute saison.

« Il y a des enjeux de planification évidents et importants. Nous sommes en contact avec les entreprises de logistique et de livraison pour échanger sur leurs problématiques, en lien avec la volonté de la puissance publique. Nous contraignons déjà l’accès à certaines zones, comme la vieille ville ou la promenade des Anglais, en limitant par arrêté les tonnages ainsi que les horaires de livraison, sans assujettir les vélos-cargos aux mêmes contraintes horaires. Par ailleurs, nous développons et faisons évoluer notre réseau cyclable pour disposer de pistes cyclables larges et isolées pour favoriser la circulation des vélos-cargos. De plus, huit centres de dégroupage du dernier kilomètre existent déjà dans le centre-ville et deux autres sont prévus. Et nous programmons de réserver une grande partie d’un étage d’un nouveau parking souterrain en construction aux acteurs de la cyclologistique », témoigne Gaël Nofri, adjoint au maire de Nice, délégué au Stationnement et à la Circulation, aux Transports et à la Mobilité, et conseiller métropolitain délégué.

Démarche proactive en faveur de la cyclologistique

Par ailleurs, l’aire urbaine de Nice a mis en place sa Zone à faibles émissions (ZFE) dès 2022, anticipant l’obligation réglementaire fixée à 2025. « Nous avons choisi de déployer une ZFE plus restrictive pour les camions et véhicules de marchandises (sans volonté d’imposer de restriction sur les véhicules des particuliers). Il s’agit, pour nous, d’un outil pour réduire les nuisances et favoriser une logistique apaisée ainsi que le développement de la cyclologistique. Cela nous permet également d’encadrer la concurrence déloyale de véhicules extérieurs à la France, inadaptés en termes d’émissions de gaz à effet de serre », détaille Gaël Nofri.

Au-delà de la cyclologistique, cette démarche s’inscrit dans une politique plus large en faveur d’une logistique urbaine plus durable : « Aujourd’hui, nous disposons de 280 vélos-cargos sur le territoire et ce chiffre va augmenter. Mais la cyclologistique reste complémentaire du reste, on ne pourra pas tout faire avec du vélo transporteur. Il est ainsi essentiel d’encourager d’autres initiatives pour offrir des alternatives viables, comme le verdissement des flottes d’utilitaires. Nous développons également des points-relais dans des parcs qui sont de la compétence de la métropole avec des casiers pour les livraisons à destination des particuliers », précise Gaël Nofri.

Les limites de l’action publique locale

Comme à Nice, des restrictions ont déjà été mises en place à Pau afin de restreindre la circulation dans le cœur piéton, le pourtour des Halles et le quartier du Château. En dehors des ayants-droits, les véhicules ne sont pas autorisés à accéder à ces zones et les livraisons sont circonscrites à des plages horaires définies. « Cependant, nous nous sommes rendus compte qu’un grand nombre de personnes disposaient d’un accès. Nous allons ainsi à la fois restreindre les horaires et les modalités d’accès pour que les citoyens profitent de vrais espaces urbains apaisés », témoigne Michel Caperan.

Le diagnostic engagé à Pau a ainsi permis d’identifier les actions prioritaires sur lesquelles se concentrer : « Nous avons envisagé la possibilité de déployer des hubs en centre-ville mais avons constaté qu’aucun acteur ne s’emparait du sujet. Nous avons ainsi compris que, tant que la circulation en hypercentre n’était pas plus contrainte, aucun acteur ne serait incité à faire cette rupture de charge pour favoriser les livraisons à vélo sur le dernier kilomètre. De même, nous avions pensé à des conciergeries de quartier qui permettraient aux particuliers de récupérer leurs colis à un point relais. Mais, dans les faits, tant que, pour le même prix, le client pourra être livré chez lui, ces solutions ne se développeront pas. Certains sujets dépassent ainsi notre capacité d’action au niveau local. Nous concentrons donc pour l’instant notre action sur trois axes : le renforcement des restrictions d’accès au centre-ville, l’élargissement aux professionnels d’une aide financière pour l’achat d’un vélo-cargo et l’aide financière du programme ColisActiv’ », analyse Laetitia Lanardoune.

ColisActiv’ : un outil de pérennisation de la cyclologistique

Face aux freins actuels identifiés par l’agglomération de Pau, le soutien de ColisActiv’ est un appui important pour développer la cyclologistique : « En discutant avec les cyclologisticiens, nous nous sommes rendu compte de leur difficulté à être compétitifs face aux transporteurs traditionnels. Ils ne trouvent pas suffisamment de contrats leur permettant d’atteindre une viabilité économique et ne sont en relation, le plus souvent, qu’avec des transporteurs nationaux ayant une certaine sensibilité à tous ces enjeux. Faute de contraintes physiques ou réglementaires, les autres transporteurs ne les missionnent pas sur la livraison du dernier kilomètre car cela représente un point de rupture de charge supplémentaire pour eux. Avec la subvention perçue par ColisActiv’ et pouvant être affichée sur les devis pour chaque point de livraison, les acteurs de la cyclologistique ont une corde de plus à leur arc pour encourager les transporteurs et les acteurs à leur faire confiance. Par exemple, « Graines de compost » collecte des biodéchets auprès des restaurateurs et peut proposer un tarif pertinent à tous les restaurateurs grâce à ce dispositif, qui permet à chacun de mettre le pied à l’étrier », illustre Laetitia Lanardoune.

À Nice, alors que le Plan Climat de la Métropole prévoit la neutralité carbone à l’horizon 2050, pour Gaël Nofri, le soutien de ColisActiv’ est également une clé pour changer les comportements et développer une logistique urbaine plus apaisée et durable : « Nous partageons avec les professionnels la conviction que nous n’en sommes qu’aux prémices. Le soutien financier du programme ColisActiv’ permet d’encourager cet élan, alors qu’on observe une dynamique positive dans le fonctionnement, l’investissement et que les commerces y reconnaissent un avantage dans la gestion de leurs flux, réapprovisionnement et réassort. Pour aller plus loin, nous avons écrit à Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, pour lui demander qu’il étende le soutien de ColisActiv’ aux denrées alimentaires à destination des restaurateurs et des hôteliers car c’est un vrai enjeu sur notre territoire », analyse Gaël Nofri.

Pour aller plus loin 

Panorama de la cyclologistique en France (PDF – septembre 2023)

Ce document, édité par l’association des Boîtes à Vélo – France avec le soutien de l’Ademe, dresse un état des lieux approfondi de la cyclologistique et de son potentiel. Le chapitre 10 partage les résultats de l’étude menée auprès des collectivités publiques et permet d’identifier les difficultés rencontrées ainsi que les leviers pour développer la cyclologistique. Le document identifie ainsi comme facteur de succès : une volonté politique forte, la contrainte réglementaire des autres modes de transport, l’implantation d’opérateurs de cyclologistique sur le territoire ainsi que l’exemplarité de la commande publique.

Outils d’auto-diagnostic sur la cyclologisticabilité des territoires de la Fabrique de la Logistique (FabLog)

À venir début 2024

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