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JO de Paris : quel héritage pour la cyclologistique ?

17 décembre 2024

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont constitué un défi logistique majeur pour la capitale française. Si l’événement a poussé les acteurs à expérimenter de nouvelles solutions, notamment la cyclologistique, quel bilan peut-on en tirer aujourd’hui ? Retour d’expérience avec les professionnels du secteur.

En amont des Jeux, nous avions interrogé plusieurs acteurs de la logistique sur leurs stratégies et leurs attentes face à cet événement exceptionnel (lire notre article « Les JO de Paris : une opportunité pour la cyclologistique ?« ). Trois mois après la fin des Jeux, l’heure est au bilan.

« Le résultat a été à la hauteur des attentes puisque les grossistes ont pu continuer à approvisionner leurs clients », témoigne Christian Rose, responsable Transport et Logistique à la Confédération des Grossistes de France (CGF). Un succès qu’il attribue notamment à la méthode de travail adoptée : « On a vraiment été dans la co-construction public-privé pour l’élaboration des règles de circulation, des dérogations, des conditions dans lesquelles les véhicules pourraient circuler ou non. »

Cette concertation a permis aux services de l’État de mieux appréhender les enjeux de la logistique urbaine. « Les services de la préfecture nous l’ont dit lors du retour d’expérience : ‘si nous n’avions pas mis en place cette méthode de travail qui nous a permis de leur faire comprendre nos contraintes en termes de logistique urbaine et nos méthodes de travail, la période aurait été très compliquée sur le plan logistique’ », souligne Christian Rose.

Des volumes moins importants qu’anticipé

Les JO ont été l’occasion de tester des solutions variées, comme les horaires de livraison décalés ou le recours à la cyclologistique pour les flux qui s’y prêtent. “Les livraisons anticipées ou échelonnées ont réduit la congestion et amélioré les conditions de travail des chauffeurs. Cependant, les pratiques introduites pendant les JO ne peuvent pas toujours être pérennisées en raison des coûts supplémentaires qu’elles engendrent ou en raison de leur moindre performance opérationnelle”, précise Christian Rose.

Il note également que « l’activité n’a peut-être pas été à la hauteur de ce qui était attendu. Certaines entreprises ont peut-être surmobilisé des moyens et des ressources en espérant une activité plus importante, qui n’a pas été au rendez-vous. »

Un constat partagé par Simon Paramananda, directeur général d’Ayopa by Delanchy, qui propose des services de livraison à vélo cargo de produits frais et surgelés à Paris et à Lyon : « On a eu beaucoup moins de flux », partage-t-il. Il explique ce phénomène par deux facteurs : d’une part, le départ de nombreux Parisiens pendant la période des Jeux, d’autre part la spécificité du tourisme olympique : « Les gens qui venaient pour l’événement JO n’étaient pas les touristes traditionnels qui vont au restaurant. Ils restaient dans l’enceinte des sites olympiques. »

Une période d’acculturation essentielle

La préparation des JO a constitué une opportunité unique de sensibilisation à la cyclologistique. « Pour détourner la phrase prêtée à Pierre de Coubertin : l’essentiel c’est d’anticiper ! », analyse Amauric Guinard, co-fondateur de SOFUB, la filiale de la FUB qui porte le programme ColisActiv’. « La seule anticipation des difficultés de livraison pendant les Jeux a permis à de nombreux acteurs d’étudier sérieusement la solution cyclologistique. » Un travail de sensibilisation facilité par l’Annuaire Cyclo des JO 2024, réalisé par ColisActiv’ en partenariat avec les filières France Vélo et France Logistique ainsi qu’avec la Fédération Professionnelle de Cyclologistique. Distribué et téléchargé à 2 000 exemplaires, ce guide a aidé les professionnels à appréhender le sujet et à identifier les bons interlocuteurs pour intégrer le vélo cargo dans leur chaîne logistique.

« Si l’absence de difficulté de circulation n’a finalement pas toujours justifié le passage à l’acte, les occasions ne manqueront pas, à commencer par la peak-period, pour mettre à profit cette acculturation à la cyclologistique initiée en amont des Jeux », poursuit-il.

Des impacts contrastés pour les cyclologisticiens

Une enquête menée en parallèle par ColisActiv’ auprès d’une dizaine d’opérateurs franciliens en septembre 2024 révèle des retours d’expérience nuancés. Si la période des JO elle-même n’a pas généré le surplus d’activité espéré, avec même une baisse de volume pour certains acteurs, l’événement semble avoir créé une dynamique positive pour le secteur.

Les cyclologisticiens ont notamment constaté une amélioration significative de leurs conditions de travail pendant la période olympique. La restriction du trafic motorisé et la mise en place de voies dédiées ont permis d’optimiser les délais de livraison. Un effet qui pourrait perdurer avec le maintien de certaines mesures comme la limitation à 30 km/h, le développement des pistes cyclables ou les nouvelles restrictions de circulation.

L’événement a également suscité un intérêt accru pour la cyclologistique. Si tous les tests n’ont pas débouché sur des contrats pérennes, plusieurs opérateurs rapportent que des clients potentiels, confrontés aux contraintes de circulation croissantes, envisagent désormais sérieusement cette alternative. 

Une expérimentation réussie pour Heppner

Les JO ont également permis de valider de nouvelles approches. Le groupe Heppner a ainsi profité de l’événement pour expérimenter une nouvelle solution de cyclologistique à Paris : les camions rejoignent des zones de stationnement autorisées qui font office de points de transfert, où les colis sont directement transférés sur des vélos cargo équipés de remorques.

« Cela a très bien fonctionné », témoigne Christophe Schmitt, directeur des relations institutionnelles. Si environ 50 % de l’activité s’est arrêtée après les Jeux, avec des volumes moindres qu’en période olympique, le groupe continue d’opérer ce système dans certaines zones, notamment la nouvelle Zone à Trafic Limité (ZTL) de Paris.

L’intérêt de cette approche sans hub fixe, avec un transit direct en pleine rue, est de limiter les ruptures de charge et donc les coûts.« On a validé un concept qui nous a permis de pérenniser cette activité », se félicite Christophe Schmitt. Cette expérimentation pourrait d’ailleurs être dupliquée dans d’autres villes : « Notre directeur régional du sud-est envisage ainsi de reproduire ce modèle à Montpellier. »

Une transformation durable de la logistique urbaine

Fort de cette expérimentation réussie de transbordement en voirie, le développement d’infrastructures adaptées fait actuellement l’objet de réflexions : « Nous travaillons avec des organisations professionnelles pour chercher à mettre en place des zones de livraison logistique permettant de faire du transit sur voirie. Plusieurs villes sont intéressées pour expérimenter sur ce sujet », explique Christophe Schmitt. Des villes comme Barcelone ont déjà mis en place ce type d’aménagement.

« La cyclologistique a maintenant vraiment pris place dans l’organisation des livraisons du dernier kilomètre », ajoute-t-il. « C’est un maillon des livraisons du dernier kilomètre, parmi d’autres. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, on est vraiment dans une logique où la cyclologistique a une place reconnue avec des potentiels de développement intéressants. »

Cette évolution des mentalités est confirmée par Simon Paramananda : « Maintenant, l’alternative vélo, ce n’est plus une alternative. Les donneurs d’ordre pensent vélo. » Les JO semblent avoir accéléré cette tendance, encourageant de nombreux acteurs à tester puis pérenniser la cyclologistique. « Les clients se projettent différemment », observe-t-il. « Dans leur tête, c’est comme s’ils allaient louer un camion. Ils ont maintenant la même démarche pour le vélo. »

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