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Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 vont attirer des millions de visiteurs du monde entier. Cependant, cette célébration mondiale du sport pose également des défis logistiques importants pour la capitale française. Avec une forte hausse de la demande et des restrictions de circulation, les acteurs de la logistique doivent repenser leurs stratégies pour garantir un approvisionnement fluide. Cette situation met en lumière le potentiel de la cyclologistique.
Cet été, Paris s’apprête à accueillir 15 millions de touristes pour les Jeux olympiques et paralympiques, soit plus du double du nombre habituel en été, sur une période très courte. Un événement d’une telle envergure nécessite une organisation logistique importante, affectant la circulation des biens et des personnes et perturbant l’activité des acteurs du transport et de la logistique.
Des restrictions de circulation importantes
Pour répondre aux exigences de sécurité de cet événement, la préfecture de police de Paris a défini des périmètres autour des sites de compétition. Ces zones ont été mises en place pour protéger les spectateurs, les athlètes et les habitants, entraînant des restrictions d’accès ou des déviations pour les véhicules motorisés.
- Les périmètres rouges entourent les sites de compétition et interdisent toute circulation motorisée, sauf dérogation. Seuls les piétons, les vélos, les spectateurs et les personnes accréditées pourront y accéder, après un contrôle strict.
- Les périmètres bleus, situés en périphérie des périmètres rouges, réglementent l’accès pour réduire le transit motorisé non essentiel. Les conducteurs doivent justifier de leur présence, par exemple pour réaliser des livraisons.
Des ralentissements sont ainsi attendus dans toute la région parisienne pendant les Jeux en raison de plusieurs facteurs. Les voies réservées aux athlètes et au personnel olympique ainsi que les zones rouges limiteront les itinéraires disponibles. De même, l’afflux de visiteurs, l’augmentation des marchandises à livrer ainsi que les accréditations et contrôles des autorités contribueront également à la congestion urbaine.
« Les sites de compétition et leurs alentours connaîtront une forte affluence de visiteurs pendant les Jeux, ce qui entraînera une demande accrue en nourriture, boissons et autres produits essentiels, et ce, dans les zones où il y aura le plus de restrictions. Le pic de demande sera particulièrement concentré durant les épreuves sur site et sur route, ainsi que lors des cérémonies », explique Jean-André Lasserre, directeur du programme InTerLUD+, qui accompagne les territoires vers une logistique urbaine durable.
« Les grossistes vont devoir entièrement réorganiser leurs tournées, car certains de leurs clients se trouvent dans des périmètres à circulation restreinte, tandis que d’autres non », pointe de son côté Christian Rose, responsable Transport et Logistique à la Confédération des Grossistes de France (CGF).
Une adaptation des livraisons urbaines pendant les JO
Pour répondre à ces contraintes, la filière logistique s’organise depuis plusieurs mois, notamment grâce à LUJOP (Logistique Urbaine pendant les JOP). Créé sous l’impulsion de la DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités), ce groupe de travail est piloté et animé par la Métropole du Grand Paris, le Club Logistique en Or, la ville de Paris et le programme InTerLUD+.
Les professionnels ont imaginé différentes solutions pour s’adapter à ces contraintes, comme le détaille Christian Rose : « Pour les clients ayant des capacités de stockage, il est essentiel d’anticiper en stockant des produits non périssables. Les livraisons de nuit ou en horaires décalés sont également des options, bien que cela ne soit pas faisable pour tout le monde. Il sera également possible de demander des dérogations d’accès en zone rouge pour les cas les plus complexes mais il ne faudra pas en abuser, au risque que la préfecture de police les supprime. Certains professionnels envisagent également de réaliser les dernières mètres à pied ou de faire appel à la cyclologistique. C’est la combinaison de l’ensemble de ces solutions qui permettra de fluidifier les livraisons ».
Une plateforme dédiée à la gestion de l’accès et des livraisons des professionnels appelée JOPTIMIZ, créée par InTerLUD+ dans le cadre de LUJOP, a également été créée. Cette solution permet notamment aux livreurs de générer un QR code pour faciliter les contrôles des forces de l’ordre en zone bleue.
Une opportunité pour le développement de la cyclologistique
Non concernée par les restrictions de circulation, la cyclologistique représente une alternative pour les livraisons urbaines pendant les Jeux.
Spécialisée dans la cyclologistique, Ayopa By Delanchy propose des services de livraison à vélo cargo de produits frais et surgelés à Paris et à Lyon. Simon Paramananda, directeur général chargé du développement, perçoit pleinement cette opportunité : « La cyclologistique n’est soumise à aucune restriction de circulation, et nos vélos peuvent actuellement transporter jusqu’à 200 kg. La commande moyenne d’un restaurant est de 38 kg, car les commandes sont quotidiennes, sans gestion de stock. Même si cela varie de 3 à 150 kg, ce volume s’adapte parfaitement aux livraisons à vélo. Nous n’avons pas vocation à livrer des supermarchés par exemple, qui reçoivent des cargaisons d’1,5 tonne, mais pour la restauration, le vélo est une solution très pertinente, notamment pour les produits à durée de conservation courte comme la viande ou le poisson. En faisant partie de Delanchy, Ayopa profite en plus de la longue expérience du groupe et peut s’appuyer sur le réseau en place pour répondre au mieux aux demandes clients », analyse-t-il.
Le cyclologisticien est particulièrement sollicité à l’approche des JO. Cependant, Simon Paramananda accueille cette perspective avec précaution : « La demande est forte, mais nous ne pouvons pas augmenter la capacité de notre flotte et de notre personnel uniquement pour la durée des JO. Nous nous engageons avec de nouveaux clients qui sont intéressés par une collaboration à long terme à travers des contrats pérennes pour maintenir la demande, et non uniquement pour répondre aux quelques semaines de restrictions liées aux JO ».
Une solution cyclo déployée par un acteur historique de la logistique
Le groupe de transport et logistique Heppner a également saisi l’occasion offerte par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en élaborant une solution de cyclologistique. Celle-ci a été déployée en collaboration avec des entreprises spécialisées pour faire face aux contraintes de circulation à venir. Les camions rejoindront des zones de stationnement autorisées à Paris, qui feront office de hubs déportés. Les colis y seront transférés directement aux cyclologisticiens sur la voie publique. Ceux-ci assureront la livraison finale.
« Nous allons expérimenter ce nouveau modèle de livraison à grande échelle pour la première fois pendant les Jeux. Toutes les zones rouges seront traitées de cette manière », commente Christophe Schmitt, directeur des relations institutionnelles du groupe Heppner. Pour le logisticien, il s’agit d’un test grandeur nature pour une solution qui pourrait être pérennisée après l’été, afin de répondre aux enjeux de verdissement des flottes et aux contraintes de circulation en zone urbaine.
Imaginer la logistique de demain
Au-delà des perspectives commerciales immédiates pour les cyclologisticiens, les JO servent d’accélérateur et de laboratoire.
« En termes de volume, il serait illusoire de prétendre que la cyclologistique puisse être l’unique solution. Cependant, les JO offrent une occasion formidable de démontrer comment des articulations et divisions intelligentes du travail, des chaînes logistiques peuvent intégrer la cyclologistique. C’est une opportunité unique de tester des solutions, d’optimiser leur viabilité et d’imaginer demain, en repensant les aires de livraison ou en pérennisant les plateformes de rupture de charge avancées par exemple », analyse Jean-André Lasserre.
Pour Simon Paramananda, les JO ont un effet de levier et offrent une vitrine sur la cyclologistique : « Les Jeux permettent d’accélérer une tendance déjà en cours. La cyclologistique aurait mis bien plus de temps à s’implanter sans cet événement. Il y a deux ans, lorsque nous avons lancé Ayopa, quand le public pensait à la cyclologistique, il imaginait un livreur Uber avec sa glacière en sac à dos. Nous avons désormais l’opportunité de mettre en lumière le sérieux de nos pratiques professionnelles, nos innovations, et le travail de nos livreurs salariés, tout en renforçant notre notoriété ».
Les Jeux donnent aussi aux Parisiens l’occasion de se familiariser avec des pratiques de livraison plus respectueuses de leur qualité de vie. Un retour en arrière pourrait être difficile, comme l’anticipe Simon Paramananda : « Les livraisons à vélo cargo ne créent pas de nuisances sonores et ont un impact minimal sur la qualité de l’air et l’environnement. Les riverains ne souhaiteront pas voir les camions revenir en force dans la ville. On peut imaginer que les restrictions ne seront pas levées du jour au lendemain et que l’héritage inclura des évolutions réglementaires. La suite dépendra des pouvoirs publics ».
Les acteurs publics, moteurs du changement
Pour Christophe Schmitt aussi, le rôle des décideurs publics sera crucial pour pérenniser l’organisation mise en place afin de répondre aux contraintes de circulation des JO. Heppner envisage de maintenir sa solution de cyclologistique pour la livraison du dernier kilomètre en zone urbaine, mais cela ne sera possible que si la réglementation soutient ce type de solution : « Cette organisation entraîne des coûts supplémentaires, que nous pourrons évaluer plus précisément après les JO. Si les zones à circulation restreinte se multiplient – ce qui semble probable dans les mois et années à venir – cette solution pourra faire partie de notre panel logistique. En dehors de Paris, des villes comme Marseille, Lyon et Toulouse envisagent également des zones à circulation restreinte, et d’autres villes ont déjà ce projet à l’étude. Nous préférons être prêts, et cette solution sera déployée partout où elle sera nécessaire. Cependant, ce n’est pas la seule solution. Nous devons rester agiles et flexibles, en développant la meilleure solution pour chaque contexte plutôt que d’adopter une approche unique », commente Christophe Schmitt.
Pour compenser ce surcoût et promouvoir des pratiques logistiques plus durables en milieu urbain, Simon Paramananda considère qu’un soutien financier est indispensable, en plus de la réglementation : « Certains clients m’ont confié qu’ils continueront d’utiliser des véhicules diesel tant qu’il n’existera pas de contraintes législatives. Les restrictions sont nécessaires, agrémentées d’incitations sous forme de primes ou de crédits d’impôt, à l’image du remboursement d’un montant forfaitaire par livraison pour soutenir des pratiques à l’impact environnemental et social, garantissant des conditions de travail décentes et des livraisons assurées par des livreurs salariés ».
Pour aller plus loin
- L’Annuaire cylo des JO 2024 (PDF)
Fabricants, services de location, vente ou maintenance, cyclologisticiens : ce guide, édité par ColisActiv’, liste les acteurs de la cyclologistique à Paris pour aider les entreprises à s’emparer de ce mode de transport. - JO : guide pratique pour préparer sa logistique du quotidien en Île-de-France (PDF)
Créé par CGF, ce guide pratique détaille les restrictions de circulation et partage des informations pour anticiper les mesures à prendre pour s’y adapter. - Plateforme joptimiz.green
Conçue par InTerLUD+ dans le cadre de LUJOP, cette plateforme offre un accès gratuit à quatre outils développés pour apporter aux entreprises des réponses aux restrictions de circulation pendant l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques : une carte interactive et un calcul d’itinéraire y compris dans les zones bleues et rouges, un QR code pour les zones bleues, ainsi qu’un disque numérique pour certaines zones de sécurité.