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La logistique urbaine doit faire face à plusieurs “peak periods” dans l’année, caractérisées par un volume élevé de demandes et d’activités logistiques. Quelles conséquences sur l’organisation des acteurs de la cyclologistique ? Illustration avec les témoignages des entreprises de livraison urbaine K’liveo et Coursier.fr, toutes deux soutenues par le programme ColisActiv’.
La peak period, ou période de pointe, se caractérise par un accroissement temporaire de la demande en services de livraison. Ces épisodes incluent notamment les fêtes de fin d’année ou les soldes saisonnières. Pendant ces phases, le volume de colis à livrer augmente, mettant les réseaux de livraison sous pression. « Plusieurs périodes de pointe jalonnent l’année. La première, et la plus importante, s’étend de mi-novembre au 24 décembre, avec les préparatifs pour Noël et le Black Friday. Viennent ensuite les soldes de janvier et juillet, et dans une moindre mesure, la rentrée de septembre », énumère Simon Bondu, responsable d’exploitation de l’entreprise de livraison angevine K’liveo. Fondée en 2016 par Hélène Grellier et couvrant le centre-ville d’Angers et les quartiers alentours, cette société s’appuie sur 12 triporteurs et 6 véhicules utilitaires électriques.
Une hausse d’activité de 20 à 40 %
Durant ces périodes, K’liveo enregistre une hausse de son trafic de 20 à 25 %. Coursier.fr partage une augmentation similaire, voire jusqu’à 40 % certaines années, sur la période des fêtes. Créée en 1997, cette entreprise, spécialisée dans la livraison du dernier kilomètre et disposant d’une flotte de 500 vélos cargos et triporteurs, est présente dans les 10 plus grandes villes françaises. Historiquement spécialisée dans les courses à la demande (“course à course”) pour les secteurs du B2B, du luxe, et du retail, elle développe depuis 2020 ses activités de cyclo-livraison « ship from hub » et « ship from store » ainsi que « d’outsourcing » et en mettant à la disposition ses clients des cellules entières de livraison.
« Étant donné que nos livreurs sont tous salariés, il est essentiel d’anticiper et de gérer avec précision l’augmentation d’activité. Nous engageons donc des discussions avec nos clients pour ajuster adéquatement cette hausse. Ces derniers, confrontés à un accroissement considérable de commandes, pourraient envisager de doubler notre charge de travail. Cependant, il est crucial d’évaluer notre charge maximale pour préserver notre entreprise et notre qualité de service, tout en tenant compte des contraintes matérielles », détaille Gabriel Lonné, Head of Outsourcing chez Coursier.fr.
Un enjeu de gestion des ressources humaines
Comment répondre à ces enjeux humains et matériels ? K’liveo et Coursier.fr anticipent toutes deux ces pics via des recrutements et des périodes de formation dédiées. « Nous augmentons de 20 à 25 % nos effectifs, via le recrutement de 5 CDD de fin octobre à fin décembre. Nous assurons une formation de deux semaines sur une période plus calme pour leur permettre de s’habituer aux process et aux zones de livraison », partage Simon Bondu de K’liveo. Par ailleurs, l’entreprise angevine adapte également ses tournées, en augmentant leur nombre, tout en resserrant le périmètre de chacune d’elles : « L’objectif est que cet accroissement d’activité ne se traduise pas par une charge de travail accrue pour les équipes ».
De son côté, Coursier.fr commence dès octobre à absorber une augmentation de la charge de travail de 7 à 8 % par semaine pour permettre aux équipes de monter en compétences et d’augmenter progressivement les cadences de livraison. Au-delà des livreurs, ce sont toutes les ressources humaines qui doivent se préparer pour faire face à ces périodes : « Nous renforçons également l’encadrement en managers et adaptons le nombre de mécaniciens à l’atelier et prêts à intervenir sur le terrain », commente Gabriel Lonné.
Chez K’liveo, pendant ces fortes périodes d’activité, chaque jour, deux personnes sont non affectées. Cette stratégie permet de faire face aux forts volumes et d’anticiper les éventuels arrêts de travail. Coursier.fr prévoit également 10 % de personnel supplémentaire pour offrir un renfort lors des journées chargées ou pouvoir proposer à ses clients, le cas échéant, de livrer des colis supplémentaires. Par ailleurs, les deux entreprises insistent sur l’importance de la qualité du management et la capacité à répondre rapidement aux besoins fluctuants.
Planifier, anticiper et motiver
Au-delà des aspects humains, l’aspect matériel est crucial pour anticiper les périodes de pointe : « Nous faisons face à une demande de plus en plus forte en raison de l’essor du e-commerce et du développement de la cyclologistique mais l’offre de vélos cargos adaptée reste limitée à cinq à six enseignes. Celles-ci ne sont pas en capacité de fournir toutes les entreprises de livraison », souligne Gabriel Lonné. « Par ailleurs, à partir de l’automne, les conditions météos sont plus difficiles, nous avons donc beaucoup investi en termes de vestiaire : jersey adaptés, manteaux en gore-tex imperméables à l’eau et au vent, poncho de pluie, etc. »
Afin de soutenir les entreprises de livraison urbaine dans leurs préparatifs pour la peak period de fin d’année, les donneurs d’ordre fournissent des prévisions d’activité. Toutefois, ces estimations peuvent parfois s’avérer imprécises, rendant le dimensionnement des effectifs et des ressources matérielles complexe. Coursier.fr note que, pour pallier ces défis, certains donneurs d’ordre augmentent le prix de la course pour offrir des primes aux livreurs durant ces périodes et soutenir la location de courte durée de vélos cargos. Ceci vise à augmenter leur attractivité afin de garantir la disponibilité de livreurs pour répondre à la demande accrue.
La cyclologistique, une réponse adaptée aux peaks
K’liveo et Coursier.fr identifient toutes deux la cyclologistique comme un atout pour faire face à ces périodes d’accroissement d’activité. « À Angers, le trafic est plus dense en centre-ville à cette période car moins de personnes utilisent leur vélo. Par ailleurs, un certain nombre de rues ne sont pas accessibles aux véhicules motorisés en raison du marché de Noël. Livrer à vélo nous permet de continuer à opérer dans ces zones, réduisant ainsi la pénibilité du travail pour nos livreurs. Contrairement aux conducteurs de camion qui doivent souvent parcourir de plus longues distances avec leur diable pour effectuer les livraisons, nos coursiers à vélo trouvent leur travail moins stressant et donc moins pénible », décrit Simon Bondu. Une analyse partagée par Gabriel Lonné : « À partir du 1er décembre, beaucoup de personnes circulent en voiture dans les grandes villes, notamment pour réaliser leurs achats de Noël. Il devient quasiment impossible de circuler dans certaines grandes villes ».
Une période peu propice à la prospection de nouveaux clients
Concernant l’impact de la peak sur l’acquisition de nouveaux clients, si certains donneurs d’ordre reconnaissent profiter de cette période pour tester de nouveaux logisticiens, Simon Bondu tempère : « C’est une question délicate. La peak period engendre des hausses de flux et met en évidence des défaillances chez certains sous-traitants donc, en ce sens, oui, la peak period est génératrice d’opportunités. Cependant, il est difficile de débuter un nouveau contrat durant cette période très forte d’activité, où il est difficile de faire de la qualité avec de nouveaux livreurs en formation donc très peu rentables, et compte tenu de nos marges, cela s’avère très risqué. »
Un point de vue partagé par Gabriel Lonné : « L’intégration d’un nouveau client nécessite d’ajuster les tournées en fonction de la capacité de charge des vélos cargos, en coordination avec le donneur d’ordre. Cela requiert une organisation spécifique. Cependant, cette période est aussi une période de pointe pour les donneurs d’ordre, durant laquelle notre capacité à embarquer de nouveaux clients est également limitée. »
Et demain ?
Quels changements imaginer pour la peak period pour les années à venir ? Simon Bondu anticipe une augmentation du e-commerce, entraînant ainsi une demande accrue en services de cyclologistique au sein des zones urbaines. De manière générale, l’activité tend à être plus lissée sur l’année qu’auparavant : « Avant, nous observions une alternance de peak et de périodes très basses. Aujourd’hui, par exemple, les consommateurs achètent sur internet et se font livrer sur leur lieu de vacances, ils n’arrêtent pas leurs achats en e-commerce pendant leurs congés », observe Simon Bondu.
De son côté , Gabriel Lonné mise sur un développement des livraisons en « lockers » (consignes automatiques), permettant de réduire le coût unitaire de la livraison en déposant un nombre important de colis en un même espace restreint. « Les horaires vont également évoluer. Aujourd’hui, nous sommes incités à livrer en journée mais, en déposant davantage de colis aux particuliers avant 9h du matin ou entre 19h et 21h, nous pourrions obtenir des taux de réussite plus intéressants », analyse Gabriel Lonné.