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Les espaces de logistique urbaine (ELU) au cœur de la cyclologistique

16 janvier 2024

Alors que la cyclologistique est en plein développement, les espaces de logistique urbaine jouent un rôle-clé pour  les livraisons du dernier kilomètre. Quel est le prix du foncier pour les ELU ? Où installer ces hubs ? Comment les aménager ? Comment favoriser leur développement ? Découvrez les défis, les stratégies et les perspectives d’avenir de ces espaces-clés pour la logistique urbaine.

Afin d’assurer des livraisons au cœur des villes, la majorité des opérateurs de cyclologistique sont dépendants d’espaces de logistique (ELU). Ces entrepôts urbains servent de hub où les marchandises, souvent livrées en gros par des véhicules motorisés, peuvent être reçues, stockées temporairement, puis redistribuées sur des vélos cargos pour la livraison du dernier kilomètre. Cette « rupture de charge » est essentielle pour réduire la distance parcourue par les vélos cargos, car les plateformes sont généralement éloignées des centres-villes.

Alors que le e-commerce progresse régulièrement chaque année et que les villes intensifient leurs efforts pour réduire l’empreinte carbone, améliorer la qualité de l’air et diminuer la congestion urbaine, le contexte est propice au développement de la cyclologistique. Actuellement, d’après le Panorama de la cyclologistique en France, on recense environ 200 entreprises spécialisées dans ce domaine, réparties dans 74 villes, renforçant le besoin pour des espaces de logistique urbaine. 

État des lieux des espaces de logistique urbaine (ELU)

La plupart des opérateurs de cyclologistique rencontrent cependant des difficultés pour trouver des ELU. Le coût élevé du foncier en centre-ville, combiné à des marges relativement faibles dans le secteur logistique, complique l’acquisition et l’utilisation d’espaces adaptés.

À ce jour, la plupart des acteurs de la cyclologistique – hors Paris – disposent d’un seul ELU pour une moyenne d’environ 160 m2 par ELU. 

La majorité des acteurs sont locataires de leur espace et le prix du loyer varie fortement d’une ville à l’autre. Dans Panorama de la cyclologistique en France, Les Boîtes à Vélo relèvent ainsi que les acteurs interrogés dans le cadre de cette enquête paient entre 30 et 350 euros/m2 par an :

  • grosses agglomérations et métropoles : entre 30 et 100 euros/m2 par an,
  • grandes métropoles, comme Lyon ou Marseille : environ 200 euros/m2 par an,
  • Paris : entre 200 et 350 euros/m2 par an.

Ces tarifs sont plus élevés que ceux que les enquêtés trouveraient raisonnables, soit : 

  • entre 30 et 80 euros/m2 par an pour une surface de 200 à 500 m2 en dehors de Paris,
  • entre 100 à 150 euros/m2 par an à Paris.

Cette fourchette de prix dépend de la localisation et des travaux d’aménagement à prévoir.
Les petits acteurs locaux bénéficient parfois d’une location à tarif privilégié ou subventionné par les collectivités – représentant environ 50 % du prix du marché – pour favoriser le développement de leur activité.

Les critères essentiels d’un espace de logistique urbaine

Une localisation adaptée

L’efficacité et la fonctionnalité d’un ELU dépendent fortement de son emplacement et de son aménagement. Les critères suivants sont essentiels pour garantir une intégration efficace dans le tissu urbain :

  • proximité immédiate de l’hyper-centre,
  • connexion au réseau cyclable,
  • accessibilité aisée depuis les principaux axes routiers en camions et poids lourds,
  • zone de livraison adaptée pour la réception de marchandises par camion, idéalement dans une zone à faible trafic,
  • emplacement minimisant les nuisances liées aux livraisons pour les riverains. 

Plusieurs gisements de fonciers en ville sont actuellement régulièrement sollicités en raison de leur emplacement stratégique et de leur adaptabilité :

  • le long des voies ferroviaires, offrant souvent un accès direct à des axes de transport majeurs,
  • les bâtiments inutilisés de La Poste, qui bénéficient d’un emplacement central et d’une infrastructure existante,
  • les parkings souterrains, en particulier dans les zones urbaines denses où l’espace au sol est limité.

Dans sa note sur les sites logistiques actuels ou potentiels à Paris, l’APUR note également qu’avec la baisse de l’utilisation de la voiture en ville, les commerces automobiles (stations-services, concessionnaires, garages) offrent de nouvelles opportunités d’implantation. 

Une zone de couverture de quelques kilomètres

Le rayon d’action de la cyclologistique est généralement compris entre 2 et une dizaine de kilomètres autour de son ELU. Au-delà, le temps d’approche des points de livraison devient trop long et le déplacement n’est plus rentable.

  • Pour la livraison de colis, un ELU dessert une zone de 3 à 6 kilomètres environ aux alentours pour les départs directement du hub. 
  • Pour les livraisons de palettes, qui impliquent des charges plus lourdes et volumineuses, la zone de couverture est généralement plus restreinte, se limitant à un rayon d’environ 2 kilomètres autour de l’ELU. 
  • Pour les activités de course, le rayon d’action peut s’étendre jusqu’à 10 kilomètres, en particulier pour des courses à haute valeur ajoutée.

Dimensionnement des ELU : du garage-atelier au hub urbain

La taille des espaces de logistique urbaine varie en fonction du développement des acteurs de la cyclologistique. Ces derniers démarrent souvent leur activité avec un garage-atelier d’environ 100 m2. Pour le transbordement de marchandises plus lourdes et plus volumineuses, un ELU de 200 à 300 m2 est nécessaire. Par ailleurs, les services de messagerie, qui traitent un volume important de palettes et de marchandises pondéreuses, requièrent naturellement des espaces plus grands comparés à ceux dédiés à au transport express, où le maniement se concentre essentiellement sur des colis de moindre taille.

La Red de Ciudades por la Bicicleta (RCxB), le réseau de villes espagnoles pour le vélo, estime ainsi qu’un espace de 300 m2 minimum est à prévoir pour pouvoir générer des livraisons en vélo cargo avec rupture de charge. Dans le Panorama de la cyclologistique en France, Les Boîtes à Vélo notent par ailleurs qu’il faut compter en moyenne 50 m2 par vélo cargo. 

Comment organiser un ELU ? 

En plus des espaces dédiés au chargement/déchargement et à l’organisation des marchandises, ainsi qu’au chargement et au stockage des cycles, des espaces supplémentaires sont nécessaires. Ces derniers doivent inclure un atelier mécanique pour l’entretien des vélos, des bureaux pour la gestion et l’administration, une chambre froide pour la conservation des marchandises périssables, ainsi que des vestiaires pour le personnel, assurant ainsi un fonctionnement efficace de l’ELU.

Dans son guide de recommandations pour la cyclologistique, RCxB détaille cette organisation, en préconisant une répartition de l’espace dimensionnée à partir d’un entrepôt de 300 m2.

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© Illustration issue et traduite du guide de recommandations pour la cyclologistique de RCxB 

Des espaces de stockage en racks peuvent également être prévus. En effet, de plus en plus de cyclologisticiens proposent ce service, ainsi que de la préparation de commande, afin de bénéficier d’un revenu supplémentaire, en complément  du transport. 

Cette configuration doit être ajustée selon le type d’activité. Pour les opérations de coursier, l’ELU est principalement utilisé pour le stockage et l’entretien des vélos, ce qui réduit le besoin en superficie. En revanche, les activités impliquant des ruptures de charge ou du stockage exigent davantage d’espace.

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Les caractéristiques techniques à considérer

Afin de garantir une bonne exploitabilité du site, plusieurs critères sont à prendre en compte pour la choix d’un espace dédié à la cyclologistique : 

  • une entrée de site, un espace de stationnement et de manœuvres adaptés au gabarit des camions,
  • une hauteur sous plafond de 3 à 5 mètres minimum,
  • une sécurisation de l’espace contre les intempéries, le vol et les dommages de la marchandise (alarmes, caméras, accès limité),
  • un espace de recharge des batteries des vélos cargos,
  • une disponibilité de l’espace pendant au moins trois ans pour permettre le développement de l’activité.

L’espace alloué aux opérations de transbordement, de stockage, de recharge et de maintenance doit idéalement se trouver au rez-de-chaussée. Si cet aménagement se situe en sous-sol, il est recommandé que la pente de l’accès ne dépasse pas 12%. L’objectif est de ne pas sur-solliciter le moteur des vélos cargos. Cette préconisation s’applique aussi en cas d’installation en étage, pour faciliter la gestion d’éventuels retours de marchandises. 

Le rôle des collectivités dans la mise à disposition d’ELU adaptés

Face aux difficultés rencontrées par les acteurs de la cyclologistique à disposer d’ELU, les villes disposent de multiples leviers pour faciliter l’accès à ces espaces.

Diagnostic du foncier cyclologistique
La première étape pour les municipalités consiste à effectuer un diagnostic approfondi des terrains disponibles. En identifiant des sites potentiels, tant en centre-ville qu’en périphérie, qui répondent aux besoins spécifiques de la cyclologistique, les villes disposent de la base nécessaire pour allouer et réserver des terrains adaptés à cette activité.

Mise à disposition de foncier adapté
Les villes peuvent activement soutenir l’implantation de cyclologisticiens en mettant à disposition du foncier public, via des appels à manifestation d’intérêt (AMI) ou des appels à projets (AAP). En dehors des entrepôts classiques, les collectivités peuvent identifier des parkings publics ayant un potentiel d’accueil de cyclologistique et demander la diversification de leurs activités vers des ELU dans les délégations de service public, en adaptant les redevances en fonction. Des baux précaires sur des sites en transition, proposés à des tarifs abordables, sont également une option envisageable. Certaines villes intègrent aussi des espaces dédiés à la cyclologistique dans les projets de zones d’aménagement concerté (ZAC).

Réservation de foncier pour les ELU
En outre, les municipalités peuvent assurer une distribution équilibrée des ELU en les intégrant dans leurs plans d’urbanisme. Cela implique la réservation de terrains pour des activités logistiques, à travers des projets immobiliers mixtes qui combinent divers usages (tels que bureaux, logements, commerces et logistique) tout en assurant leur accessibilité aux vélos cargos. Les outils d’aménagement urbain comme les SRADDET, les SCoT et les PLU sont indispensables à la mise en œuvre de cette stratégie.

Paris : quels impacts du projet de PLU bioclimatique sur les espaces logistiques ?

La Ville de Paris est actuellement en train de réviser ses règles d’urbanisme, via la création d’un nouveau document-cadre : le Plan Local d’Urbanisme bioclimatique (PLUb). Si celui-ci n’impactera pas les espaces logistiques existants, ce plan va instaurer de nouvelles directives pour les futures activités de logistique urbaine, y compris celles liées à la cyclologistique. D’après le PLUb, ces activités ne pourront plus être déployées sur des terrains à usage résidentiel, mais devront se concentrer dans des périmètres spécifiquement dédiés à la logistique, appelés Périmètres de Localisation Logistique (PLoc). En réponse aux changements induits par le nouveau code de l’urbanisme, la municipalité prévoit d’augmenter de manière significative le nombre de ces PLoc. Actuellement au nombre de 60, ils passeront à plus de 100 dans le cadre du PLUb. Cette expansion vise à renforcer et à étendre le réseau d’espaces de logistique urbaine de Paris, une démarche cruciale pour soutenir et stimuler le développement de la cyclologistique dans la capitale.

La Ville de Paris a lancé une enquête publique, offrant aux acteurs concernés la possibilité de s’informer et de s’exprimer sur le PLUb. Cette consultation est ouverte du 8 janvier au 29 février 2024. Pour plus d’informations et pour y participer, suivez ce lien : https://www.paris.fr/pages/tout-savoir-sur-l-enquete-publique-sur-le-projet-de-plu-bioclimatique-25794 

Perspectives pour les ELU : diversification et mutualisation

Confrontés à la pénurie et aux coûts élevés du foncier dans les zones urbaines denses, les acteurs de la logistique urbaine s’orientent vers une approche plus dynamique et partagée de l’utilisation des espaces de logistique urbaine.

Les ELU tendent à évoluer pour devenir des centres multifonctionnels. L’activité principale de réception et de préparation des commandes se déroule généralement de 6h à 14h. Cette plage horaire permet de réallouer ces espaces pour d’autres usages en dehors de ces périodes. Cela peut inclure des activités liées à la logistique, comme des points relais ou des espaces de stockage pour les commerçants, mais aussi des activités centrées sur le vélo, telles que des ateliers de réparation ou des espaces de vente. En soirée, ces lieux peuvent se métamorphoser en salles de spectacle, cafés, restaurants ou même en parkings.

La mutualisation est également une tendance émergente, bien que cette pratique collaborative en soit encore à ses débuts. En partageant les ELU entre plusieurs entités, il est possible d’optimiser l’utilisation de l’espace, de réduire les coûts et d’améliorer l’efficacité opérationnelle.

En réponse aux difficultés rencontrées pour disposer d’ELU, de nombreux acteurs expérimentent également des solutions moins coûteuses et plus flexibles, en exploitant des micro-hubs mobiles ou semi-mobiles. Dans cette optique, une piste prometteuse serait que les villes envisagent, à l’instar des aires de livraison, la création d’aires de transbordement dédiées. Ces zones permettraient d’améliorer le maillage et la coordination entre les camions et les vélos cargos, facilitant le transfert des marchandises (sur le sujet, lire notre article “cyclologistique : le défi de la rupture de charge”).

© ELU de ToutEnVelo Aix En Provence

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