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Les points relais et les consignes automatiques (« lockers ») représentent une part grandissante des livraisons du dernier kilomètre, permettant aux destinataires de récupérer leurs colis près de chez eux ou sur leur trajet. Mais comment s’intègrent-ils dans les opérations des acteurs de la cyclologistique ? Retour d’expérience avec Simon Bondu, responsable d’exploitation de K’liveo à Angers, et Jérôme Cucarollo, cofondateur et gérant de Toutenvélo Grenoble.
Pour les cyclologisticiens, les points relais et les lockers constituent avant tout un élément de stabilité dans leur activité. « C’est un élément de stabilité parce que ce sont des volumes qui sont à peu près stables en dehors de Noël, un nombre de points à traiter constant, un volume horaire globalement fixe », explique Jérôme Cucarollo. Le cofondateur de Toutenvélo Grenoble a intégré les relais colis dans son activité depuis cinq ans. Cette régularité permet d’organiser plus efficacement les tournées : « Cela facilite l’organisation générale et des plannings en ayant des « points de stabilité » autour desquels greffer des points de livraison plus variables. »
Économiquement, les livraisons en relais colis génèrent « moins de marge en pourcentage mais davantage en valeur absolue parce que cela représente plus de volume », détaille Jérôme Cucarollo.
Les relais colis : une solution pratique en cas d’échec de livraison
Les points relais peuvent aussi représenter une solution pratique pour les livreurs lors de leurs tournées classiques, comme l’explique Simon Bondu, responsable d’exploitation de K’liveo à Angers : « Lorsqu’on est en livraison, cela nous apporte une solution. Il y a pas mal de transporteurs qui, en fonction des expéditeurs, vont laisser la possibilité aux livreurs de laisser le colis en point relais si le client a donné son accord. » Au lieu de devoir recharger et retraiter les colis le lendemain, « l’objectif est de réussir à en livrer le maximum en “one shot” pour éviter de la manutention et de l’emporter une deuxième fois ».
K’liveo traite environ 3 000 colis par jour avec un taux d’échec de 6 à 7 %. Cela représente rapidement de nombreux colis à remettre dans le process, d’où l’intérêt des points relais. Car, pour les transporteurs, la rémunération n’est versée que lorsque la livraison est arrivée à son destinataire final et reste identique quel que soit le nombre de présentations du colis.
L’émergence des lockers face aux limites des points relais
Face aux contraintes des points relais traditionnels – temps de gestion pour les commerçants, horaires d’ouverture limités, manque d’espace pour stocker les colis – les lockers apparaissent comme une solution complémentaire en plein développement. Ils permettent au client de récupérer son colis 24h/24 et 7j/7. Toutenvélo a commencé les livraisons en locker en mai 2023.
Le vélo présente certains avantages pour aborder ces nouveaux modes de livraison. Avec sa faible empreinte au sol, il peut se garer au plus près des lockers, souvent inaccessibles aux camions, notamment en cœur de ville. « Pour les lockers qui sont dans la rue, on peut vraiment se coller au locker. Le livreur ne fait que se retourner entre le locker et sa remorque. Il ne déplace aucun colis sur plusieurs mètres. En termes de rythme, c’est beaucoup plus rapide », détaille Jérôme Cucarollo.
Des limites à prendre en compte
Cet avantage du vélo se perd néanmoins sur les grands lockers de 80 à 100 positions. L’impossibilité de décharger un gros volume et d’enchaîner plusieurs lockers sans retourner au point de chargement dilue les atouts de rapidité et d’agilité.
La question des lockers multi-transporteurs pose également des défis spécifiques, notamment en termes de gestion des capacités en temps réel. L’absence de visibilité sur le taux de remplissage peut compliquer l’organisation des tournées.
Par ailleurs, le système tarifaire soulève aussi des questions. Plusieurs modèles cohabitent : tarif dégressif en fonction du volume, tarif à la position, avec des prix moins avantageux qu’une livraison à domicile. Ces tarifs font partie des directives nationales sur lesquelles les cyclologisticiens n’ont pas la main. Pourtant, « la cyclologistique génère des externalités positives qui la distinguent du reste du secteur, comme un impact environnemental réduit. Ces spécificités devraient être prises en compte pour adapter les grilles tarifaires et mieux refléter la valeur de notre activité », souligne Simon Bondu, alors que K’liveo effectue des livraisons en points relais pour trois donneurs d’ordre.
De nouvelles pistes à explorer
La cyclologistique continue néanmoins de se réinventer et de trouver de nouvelles opportunités. Avec le service de livraison pour les professionnels Ciblex, Toutenvélo développe des tournées matinales pour livrer les opticiens avant l’ouverture des boutiques. Les commandes sont déposées dans des boîtes à colis accessibles 24h/24, un modèle différent du locker traditionnel.
Autre opportunité pour le vélo : la livraison de lockers dans les parkings. Avec une limitation de hauteur à deux mètres, beaucoup de camions ne peuvent pas y accéder. « Les vélos ont une capacité d’emport équivalente aux petits fourgons, ce qui les rend donc tout à fait compétitifs », anticipe Jérôme Cucarollo.
Points relais, lockers, boîtes à colis… si les acteurs de la cyclologistique font preuve d’agilité pour intégrer ces nouveaux modes de livraison dans leurs opérations, leur impact environnemental dépend largement des choix des consommateurs. Lorsque ces derniers se déplacent à pied ou incluent la récupération de leur colis dans leurs trajets quotidiens, ces solutions présentent un réel intérêt écologique. En revanche, selon une étude de l’ADEME publiée en avril 2023, l’impact peut être jusqu’à trois fois supérieur à celui d’une livraison à domicile si les destinataires effectuent des trajets dédiés en voiture. Ainsi, malgré l’adoption de flottes plus propres par les transporteurs et le développement d’alternatives comme la cyclologistique, c’est bien le comportement du consommateur final qui détermine la pertinence environnementale de ces solutions.