Marchés publics : un pouvoir d’entraînement pour le développement de la cyclologistique

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Alors que 70 % des marchés publics génèrent du transport de marchandises, les collectivités disposent d’un fort pouvoir d’entraînement pour accélérer le développement de la cyclologistique. En confiant leurs propres flux à des acteurs de la cyclologistique ou en intégrant des critères environnementaux dans leurs marchés, elles peuvent participer à transformer les pratiques logistiques sur leur territoire. Témoignages et retours d’expérience.
L’analyse des marchés publics menée par l’Ademe sur 30 collectivités en 2023 confirme l’ampleur du potentiel : sur plus de 6 000 marchés étudiés, 70 % sont susceptibles de générer du transport de marchandises. Certaines compétences sont particulièrement concernées : manifestations culturelles, travaux de rénovation et d’entretien des établissements scolaires, espaces verts, voiries et équipements sportifs, collecte des déchets. « Via la dépense publique, il y a un levier majeur pour jouer sur le transport de marchandises », témoigne Tristan Bourvon, coordinateur logistique et transport de marchandises à l’Ademe. « Après La Poste, les collectivités sont le premier donneur d’ordre d’un territoire », ajoute Amauric Guinard, co-fondateur de SOFUB qui porte le programme ColisActiv’.
La manière dont les entreprises de cyclologistique s’intègrent aux marchés publics varie. Parfois, la collectivité lance un marché explicitement conçu pour être réalisé à vélo, ce qui permet aux acteurs cyclo d’être titulaires directs. C’est le cas à Saint-Fons, près de Lyon, où la Métropole a mis en place un entrepôt logistique de proximité provisoire afin de maintenir l’accès aux commerces pendant les travaux du tramway.
“Il était spécifiquement mentionné dans l’appel d’offres que le répondant devait livrer à vélo”, explique Michaël Mahut, le fondateur d’Agilenville. Un cas encore rare, mais qui illustre un basculement possible : quand la collectivité assume ce choix dès la rédaction du cahier des charges, elle peut favoriser la cyclologistique.
Le plus souvent, cependant, le transport est intégré à une prestation plus large (restauration scolaire, sensibilisation, fourniture de matériel…). Dans ces configurations, les cyclologisticiens interviennent plutôt en sous-traitance du titulaire principal.
“La difficulté, c’est que souvent, il est rare que la collectivité achète du transport. Généralement, le transport est inclus dans une prestation plus globale”, observe Michaël Mahut.
Dans le cadre du marché remporté par un grand acteur de la restauration collective, l’entreprise assure désormais la livraison du pain dans 120 écoles situées en Zones à faibles émissions (ZFE) à Marseille. Chaque matin, 20 000 pains sont ainsi livrés à vélo cargo. Agilenville distribue également des seaux de collecte de biodéchets pour le compte de la Métropole de Lyon via un marché de sensibilisation au tri attribué à une agence de communication.
« De plus en plus, les collectivités prévoient des clauses sociales et des clauses environnementales dans leurs appels d’offres », note Michaël Mahut.
De son côté, ToutenVélo Le Havre livre notamment le magazine municipal LH Océane. « Financièrement, les marchés publics nous ont permis de monter d’un cran, d’avoir plus de visibilité puisqu’ils représentent généralement un engagement sur plusieurs années », explique Jean Metayer, l’un de ses cofondateurs. Cette visibilité à moyen terme « permet de se projeter, de pouvoir s’organiser » et de « développer de nouveaux débouchés, de se diversifier. »
À Marseille, La Courserie, qui livre les titres de transport pour la RTM (organisme gérant les transports en commun), constate le même effet : « C’est une solidification de notre chiffre d’affaires. On sait qu’on a un volume qui est à peu près estimé. Cela permet de sécuriser l’entreprise », explique Diego Guglieri, co-gérant. Ce marché représente 5 % de leur chiffre d’affaires.
Au-delà de l’aspect financier, ces contrats confèrent une légitimité. « Les écoles et les clients que nous livrons pour la RTM ont une image très positive de nos services. Cela participe à changer le regard sur ce mode de livraison”, observe Lucie Guglieri, co-gérante de La Courserie. Un impact confirmé par Toutenvélo Le Havre : « Si la ville du Havre et la collectivité nous font confiance, cela envoie le message aux autres entreprises du territoire qu’elles peuvent aussi nous faire confiance », souligne Jean Metayer.

© Toutenvélo Le Havre
Ces marchés publics permettent aussi aux entreprises de cyclologistique de se structurer et de monter en compétence. Toutenvélo Le Havre est ainsi devenue entreprise d’insertion grâce à la stabilité apportée par ses marchés publics : « Depuis quelques mois, nous sommes conventionnés avec l’État sur deux postes en insertion. Cela a été rendu possible grâce aux marchés publics qui nous permettent de nous projeter, de pouvoir utiliser des postes en insertion et d’avoir une organisation qu’on n’aurait pas pu mettre en place si nous ne disposions pas autant de visibilité et de récurrence. »
Le contexte actuel renforce encore l’importance des marchés publics. Ces dernières années, la demande privée s’est contractée, sous l’effet conjugué de l’inflation et des arbitrages budgétaires. Par ailleurs, le recul puis l’incertitude sur le déploiement des Zones à faibles émissions (ZFE) ont envoyé un mauvais signal aux entreprises de transport. Une grande partie d’entre elles ont gelé leurs projets d’investissements dans la décarbonation, y compris de report modal vers la cyclologistique, fragilisant le secteur.
Cette situation rend les marchés publics d’autant plus stratégiques : « Ces appels d’offres publiques, en direct ou en sous-traitance, constituent la majeure partie de notre croissance depuis un an », souligne Jean Metayer.
Au-delà du Havre, de Marseille ou de Lyon, plusieurs territoires ont déjà franchi le pas. La ville de Dunkerque organise la collecte des cartons auprès des commerçants ainsi que les biodéchets en vélo-cargo (lire notre article).
Un constat qui confirme le rôle moteur des collectivités territoriales dans le développement de la cyclologistique : « Les collectivités peuvent être un réel soutien au verdissement des flottes notamment en favorisant la cyclologistique grâce à la commande publique dans un contexte où beaucoup d’acteurs sont en difficultés. Encore faut-il qu’elles identifient les marchés et les périmètres concernés, qu’elles soient en mesure d’intégrer les clauses discriminantes adaptées, et enfin, qu’elles puissent vérifier dans le temps, que les promesses des candidats se traduisent dans la réalité”, résume Amauric Guinard.
Pour répondre à ces enjeux de suivi et d’exigence, une évolution des outils semble nécessaire. C’est dans cette optique qu’il appelle à la mise en place d’un dispositif plus structurant : “Chez SOFUB, nous sommes convaincus qu’il faut créer une certification permettant aux acheteurs publics d’être assurés par un tiers de confiance du verdissement effectif des flottes dédiés aux marchés concernés”.
© Agilenville
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