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Intégrer des vélos dans sa flotte logistique : retours d’expérience

3 mars 2025

Face aux enjeux environnementaux et aux contraintes croissantes de circulation en centre-ville, de plus en plus d’acteurs de la logistique traditionnelle font le choix d’intégrer des vélos-cargos dans leur flotte. Trois professionnels partagent leur expérience et leurs conseils pour réussir cette transition.

La décision d’intégrer des vélos dans une flotte logistique peut répondre à des motivations diverses. Pour Deleevfirst, entreprise opérant en région parisienne, c’est d’abord une opportunité commerciale qui s’est présentée en 2021, quand un donneur d’ordre cherchait des prestataires en cyclologistique sur Paris intra-muros. Le vélo devient rapidement un “vrai parti pris”, avec une accélération en 2023 : l’entreprise passe d’une dizaine à 45 tournées quotidiennes à vélo. « Le vélo s’inscrit dans notre démarche de flotte décarbonée alors que 75% de nos véhicules utilitaires sont électriques« , explique Pierre-Antoine Mariaud, directeur des opérations.

Pour le groupe SENGES, acteur du Sud-Ouest avec 314 salariés et un chiffre d’affaires de 17 millions d’euros, le déclic s’est fait en 2018 lors de la reprise d’une société toulousaine qui réalisait déjà quelques opérations en vélo. « Nous en avons fait bénéficier nos clients en développant ce mode de livraison », explique le président et fondateur du groupe William Gaillard. Avec 30 vélos-cargos qui circulent aujourd’hui dans les rues de Toulouse, la cyclologistique permet à SENGES « de s’adapter aux évolutions de la typologie des colis avec l’essor du e-commerce et aux difficultés grandissantes de circulation, tout en participant à la préservation de l’environnement ».

Béarn Courses, qui compte 150 chauffeurs répartis sur quatre départements du Sud-Ouest, a choisi une approche différente. En 2021, quand le centre-ville de Pau est devenu piéton, son président Emmanuel Lanot a préféré opter pour le vélo : « Cela semblait beaucoup plus pratique de livrer en vélo, même si j’aurais pu demander des dérogations pour continuer à circuler en camion. » Au-delà de l’aspect pratique, il y avait aussi « une valeur d’image ». Mais l’objectif est avant tout « inclusif » puisque ce sont deux salariés en situation de handicap d’un ESAT qui pilotent les vélos, assurant une quinzaine de livraisons chaque après-midi.

Des organisations adaptées à chaque contexte

L’intégration des vélos nécessite une organisation spécifique. Deleevfirst a fait le choix d’une séparation complète entre l’activité vélo et l’activité véhicules utilitaires, avec deux entrepôts distincts, des équipes dédiées et des superviseurs spécialisés : un site dans le 94 pour les véhicules utilitaires, un autre dans le 20e arrondissement de Paris pour la cyclologistique. « Même si ces activités peuvent avoir des synergies, aujourd’hui elles ont leurs spécificités », explique Pierre-Antoine Mariaud.

Le groupe SENGES, qui livre en moyenne 25 000 colis par jour dont 8 % à vélo, a développé une expertise dans la maintenance. « Ces engins sont très sollicités, les ouvrants, trottoirs, les rues en pavés génèrent parfois des pannes récurrentes », témoigne William Gaillard. L’entreprise a formé un mécanicien dédié, déjà passionné de vélo, qui « réalise beaucoup d’entretiens préventifs. » Une nécessité car, comme le souligne William Gaillard, « l’entretien est un budget à prévoir au-delà du coût d’achat, même si cela reste inférieur à celui d’un véhicule utilitaire léger. »

Des bénéfices tangibles

Les avantages de la cyclologistique sont nombreux, particulièrement en zone dense. « En vélo, on peut stationner directement à proximité du lieu de livraison, sans avoir à rechercher une place de stationnement. Par ailleurs, les trajets sont plus courts avec une vitesse moyenne en ville plus rapide en vélo qu’en véhicules utilitaires légers », souligne Matthieu Mermet, chef de projet du programme ColisActiv’. Cette agilité se traduit par des gains de productivité significatifs : « Les vélos mettent 20 à 30 % de moins de temps pour livrer sur un même secteur qu’un camion« , confirme Pierre-Antoine Mariaud.

L’aspect économique peut s’avérer favorable dans certaines zones urbaines, comme l’illustre l’exemple de l’hypercentre toulousain. « Un vélo coûte en moyenne 11 000 euros en investissement, c’est un coût réduit par rapport à un véhicule utilitaire léger », indique William Gaillard. « Les coûts sont moindres, et les prix de nos prestations sont proratisés. Nos clients s’y retrouvent donc aussi. »

Vers un modèle mixte ?

Si la cyclologistique présente de nombreux avantages, « le vélo ne pourra jamais traiter tous les flux. Vélos et véhicules utilitaires vont donc continuer à coexister« , explique Matthieu Mermet. Mais il souligne qu’« il y a un intérêt pour le sous-traitant à avoir les deux propositions à faire au donneur d’ordre », notamment pour les zones denses où la réglementation devient plus contraignante pour les véhicules motorisés.

Deleevfirst envisage aujourd’hui de déployer le vélo sur de nouvelles villes, notamment Nice. « Il y a un avenir important pour la cyclo car de plus en plus de municipalités ont le parti-pris de rendre les centre-villes moins accessibles en voiture », observe Pierre-Antoine Mariaud. L’entreprise a d’ailleurs saisi l’opportunité offerte par le déploiement de primes ColisActiv’ sur la zone Paris Est Marne et Bois pour convertir à la cyclologistique des secteurs qu’elle desservait jusqu’à présent en véhicules utilitaires.

Béarn Courses réfléchit à développer la cyclologistique sur le bassin d’Arcachon, où la congestion estivale pose des problèmes pour la logistique. Mais le projet se heurte à des contraintes immobilières : « Le coût pour disposer d’un petit dépôt dans Arcachon reste prohibitif. »

Des freins à lever

Plusieurs obstacles peuvent freiner le développement de la cyclologistique. La question des espaces logistiques en centre-ville est cruciale. Emmanuel Lanot pointe également la question de la rentabilité et de la répartition des efforts dans la chaîne logistique : « On ne peut pas demander à celui qui est le moins payé de toute la chaîne logistique de faire tout le travail de verdissement de la flotte. »

William Gaillard évoque quant à lui un enjeu plus systémique : « Parfois un destinataire peut recevoir jusqu’à quatre actes de livraisons dans une journée et cela par quatre véhicules différents. Il serait plus pertinent d’un point de vue environnemental et afin de fluidifier le trafic qu’il soit livré en une seule fois pour toutes ces commandes. » Il plaide pour « dépasser les clivages de la concurrence, mettre en commun et partager les données » pour optimiser les livraisons.

Des recommandations pour se lancer

Pour les entreprises qui souhaitent se lancer, plusieurs recommandations émergent. « Il faut bien définir son organisation notamment sur la gestion des flux de colis, définir les secteurs à couvrir, mais aussi les aspects de sécurité des salariés« , conseille William Gaillard.

Le choix du matériel est également crucial : « Il y a des vélos qui sont beaucoup moins rapides que d’autres, qui s’endommagent beaucoup plus rapidement », prévient Pierre-Antoine Mariaud. Il parle d’expérience : au lancement de son activité, Deleevfirst s’est retrouvé avec une quinzaine de vélos hors service au bout de deux mois seulement, engendrant une perte économique sèche. Toutefois, le marché a beaucoup évolué ces dernières années : les vélos-cargos offrent désormais des performances et une fiabilité accrues, tandis que le développement des services de maintenance professionnels facilite leur intégration dans les flottes logistiques.

Il est également essentiel de bien choisir sa zone de développement, tous les secteurs n’étant pas adaptés à la cyclologistique. Sur les zones où est déployé ColisActiv’, le programme peut aussi faciliter cette transition en apportant un soutien financier pour chaque livraison réalisée à vélo. Le programme aide également à mettre en relation sous-traitants et donneurs d’ordre intéressés par la cyclologistique.

L’intégration de vélos dans une flotte logistique traditionnelle prend des formes multiples : de quelques vélos comme chez Béarn Courses à plusieurs dizaines chez Deleevfirst ou SENGES. Comme le souligne Matthieu Mermet, « L’important, c’est d’adopter un modèle qui correspond à son territoire et réaliser les livraisons à vélos partout où cela est pertinent et avantageux économiquement et opérationnellement. »

© SENGES

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